Max Ernst, Gala Eluard, 1924, huile sur toile, 81.3 x 65.4 cm, MET, New York (en savoir plus)
Car si notre corps est la matière à laquelle notre conscience s’applique, il est coextensif à notre conscience, il comprend tout ce que nous percevons, il va jusqu’aux étoiles (…) nous sommes réellement dans tout ce que nous percevons.
Henri Bergson, Deux sources de la morale et de la religion, 1932
On ne se lasse pas de répéter que l’homme est bien peu de chose sur la terre, et la terre dans l’univers. Pourtant, même par son corps, l’homme est loin de n’occuper que la place minime qu’on lui octroie d’ordinaire, et dont se contentait Pascal lui-même quand il réduisait le corps à n’être, matériellement, qu’un roseau. Car si notre corps est la matière à laquelle notre conscience s’applique, il est coextensif à notre conscience, il comprend tout ce que nous percevons, il va jusqu’aux étoiles. Mais ce corps immense change à tout instant, et parfois radicalement, pour le plus léger déplacement d’une partie de lui-même qui en occupe le centre et qui tient dans un espace minime. Ce corps intérieur et central, relativement invariable, est toujours présent. Il n’est pas seulement présent, il est agissant : c’est par lui, et par lui seulement, que nous pouvons mouvoir d’autres parties du grand corps. Et comme l’action est ce qui compte, comme il est entendu que nous sommes là où nous agissons, on a coutume d’enfermer la conscience dans le corps minime, de négliger le corps immense… Mais la vérité est tout autre, et nous sommes réellement dans tout ce que nous percevons.