Pierre Bonnard, Le Boxeur (portrait de l’artiste), 1931, huile sur toile, 54 x 74 cm, Musée d’Orsay, Paris
Mais ai-je qualité pour m’imposer de vous survivre, moi qui dans ce Chant de Vous me considère comme le plus éloigné de mes sosies.
René Char, « Envoûtement à la Renardière » dans Seuls Demeurent, 1945
Vous qui m’avez connu, grenade dissidente, point du jour déployant le plaisir comme exemple, votre visage, – tel est-il, qu’il soit toujours, – si libre qu’à son contact le cerne infini de l’air se plissait, s’entr’ouvrant à ma rencontre, me vêtait des beaux quartiers de votre imagination. Je deumeurais là, entièrement inconnu de moi-même, dans votre moulin à soleil, exultant à la succession des richesses d’un cœur qui avait rompu son étau. Sur notre plaisir s’allongeait l’influente douceur de la grande roue consumable du mouvement, au terme de ses classes.
A ce visage, – personne ne l’aperçut jamais, – simplifier la beauté n’apparaissait pas comme une atroce économie. Nous étions exacts dans l’exceptionnel qui seul sait se soustraire au caractère alternatif du mystère de vivre.
Dès lors que les routes de la mémoire se sont couvertes de la lèpre infaillible des monstres, je trouve refuge dans une innocence où l’homme qui rêve ne peut vieillir. Mais ai-je qualité pour m’imposer de vous survivre, moi qui dans ce Chant de Vous me considère comme le plus éloigné de mes sosies ?
Un mariage que le premier degré classerait au niveau de la carpe et du lapin si l’on s’en tenait aux trompeuses apparences, qui, aussi bien chez l’un comme chez l’autre sont précisément ce qui se dépasse.
N-L