SHAKESPEARE RENCONTRE SAUL LEITER

Saul LeiterLanesville, Variant 2, 1958, photographie, n.c., Collection privée

Mais, doucement ! Quelle lumière brille à cette fenêtre ?
C’est là l’Orient, et Juliette en est le soleil.
Lève‑toi, clair soleil, et tue la lune jalouse
Qui est déjà malade et pâle, du chagrin
De te voir tellement plus belle, toi sa servante.


But soft, what light through yonder window breaks?
It is the east and Juliet is the sun! 
Arise, fair sun, and kill the envious moon,
Who is already sick and pale with grief  
That thou her maid art far more fair than she.

William Shakespeare, « Duo amoureux, la scène du balcon », Roméo et Juliette, Acte  II scène 2, 1957

ROMÉO – Il se moque bien des balafres
Celui qui n’a jamais reçu de blessures.
Juliette paraît à une fenêtre.
Mais, doucement ! Quelle lumière brille à cette fenêtre ?
C’est là l’Orient, et Juliette en est le soleil.
Lève‑toi, clair soleil, et tue la lune jalouse
Qui est déjà malade et pâle, du chagrin
De te voir tellement plus belle, toi sa servante.
Eh bien, ne lui obéis plus, puisqu’elle est jalouse,
Sa robe de vestale a des tons verts et morbides
Et les folles seules la portent : jette‑la…
Voici ma dame. Oh, elle est mon amour !
Si seulement elle pouvait l’apprendre !
Elle parle… Mais que dit‑elle ? Peu importe,
Ses yeux sont éloquents, je veux leur répondre…
Non, je suis trop hardi. Ce n’est pas à moi qu’elle parle.
Deux des plus belles étoiles de tout le ciel,
Ayant affaire ailleurs, sollicitent ses yeux
De bien vouloir resplendir sur leurs orbes
Jusqu’au moment du retour. Et si ses yeux
Allaient là‑haut, si ces astres venaient en elle ?
Le brillant de ses joues les humilierait
Comme le jour une lampe. Tandis que ses yeux, au ciel,
Resplendiraient si clairs à travers l’espace éthéré
Que les oiseaux chanteraient, croyant qu’il ne fait plus nuit…
Comme elle appuie sa joue sur sa main! Que ne suis‑je
Le gant de cette main, pour pouvoir toucher cette joue!

JULIETTE – Hélas!

ROMÉO, bas. – Elle parle.
Oh, parle encore, ange lumineux, car tu es
Aussi resplendissante, au‑dessus de moi dans la nuit,
Que l’aile d’un messager du Paradis
Quand il paraît aux yeux blancs de surprise
Des mortels, qui renversent la tête pour mieux le voir
Enfourcher les nuages aux paresseuses dérives
Et voguer, sur les eaux calmes du ciel.


Romeo –
He jests at scars that never felt a wound.

But soft, what light through yonder window breaks?
It is the east and Juliet is the sun! 
Arise, fair sun, and kill the envious moon,
Who is already sick and pale with grief  
That thou her maid art far more fair than she.
Be not her maid, since she is envious;
Her vestal livery is but sick and green,
And none but fools do wear it. Cast it off.
It is my lady, O, it is my love!
O that she knew she were!
She speaks, yet she says nothing; what of that?
Her eye discourses, I will answer it.
I am too bold: ’tis not to me she speaks.
Two of the fairest stars in all the heaven,
Having some business, do entreat her eyes
To twinkle in their spheres till they return.
What if her eyes were there, they in her head?
The brightness of her cheek would shame those stars,
As daylight doth a lamp. Her eyes in heaven (20)
Would through the airy region stream so bright
That birds would sing and think it were not night.
See how she leans her cheek upon her hand
O that I were a glove upon that hand,
That I might touch that cheek!

Juliet –
Ay me!

Romeo –
She speaks.
O, speak again, bright angel, for thou art
As glorious to this night, being o’er my head,
As is a winged messenger of heaven
Unto the white-upturned wondering eyes
Of mortals that fall back to gaze on him
When he bestrides the lazy-puffing clouds
And sails upon the bosom of the air.

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